dimanche 19 février 2017

Le temps d'errer à l'épicerie

La vie de couple, la vie de famille c'est vraiment pas toujours rose. Je serais curieuse de voir ce qui se passe derrière la porte des couples et familles qui postent d'innombrables photos de bonheur sur Facebook.

Je sais, je sais, je poste moi-même des photos de mon fils qui se roule dans la neige, qui court après un papillon, qui joue au lego et qui grimace à la caméra. C'est le bonheur que j'expose. Grand dam de ceux qui me trouve fatigante avec ça. Et puis chacun à le droit d'exposer sa vie, ses rêves, ses désirs, son amour. Chacun a le droit de s'enlever les boutons, les taches de rousseur et les cicatrices avec photo Lab. Se cacher les cuisses, se montrer la craque, sourire même quand ça nous tente pas. Fausse jeunesse éternelle. Fausse émotion. Se faire accroire. Quel drame, mais bon!

Toutes ces photos...

Voyage dans le Sud tout sourire, mais finalement l'étincelle est déjà éteinte depuis longtemps. Afficher qu'on planifie REER et économies, mais plus personne ne baise dans la maison. Cliché de la famille partie un weekend en ski, mais l'homme trompe sa blonde chaque jeudi soir. Deux belles faces sur une photo de profil, mais l'esprit du gars est en train de s'imaginer comment dire à sa blonde qu'il est gai. Deux beaux gros chars parkés devant la porte d'entrée sur la photo de couverture, mais rien à manger dans le frigo pour le voisin d'en face. L'alcoolisme caché d'une mère qui étrenne sa nouvelle veste sur FB. Couple heureux, mais l'un a le cancer. "21 ans ensemble, on va dormir à l'Auberge ce soir", écrit l'une qui ne parle plus à son chum mis à part pour jaser de la forme du caca de leur petit.

L'herbe n'est pas plus verte ailleurs et c'est vrai. Il y a tellement de chagrin autour de moi. De tristesse, de secrets, de durs constats, d'intolérance, de tricherie, de patience, d'injustice, d'incertitude, de grandes tristesses. Loin de moi l'idée de croire que tout est noir, mais il faut parfois enlever nos lunettes roses pour réaliser que c'est pas toujours clinquant comme on l'imagine ou comme on l'expose sur les médias sociaux.

Et pis j'ai sacré le camp à l'épicerie. Un trop plein de tout! Le monde souffre et ça me déchire le coeur.

Wake-up café. En face du Métro, un nouveau petit café Algérien, où se croisent petits gâteaux du pays, beignets aux patates et latte qui goûte le ciel. Le meilleur que j'ai bu depuis des semaines. Je suis tombé en amour avec le propriétaire, son sourire, son accueil et la délicatesse avec laquelle il a mis le lait fouetté dans mon café. Dès lors, j'ai esquissé sur mon visage un large ravissement. Je lui ai promis de revenir déguster une pâtisserie bientôt.

J'ai enjambé la slush grise de la rue pour ensuite me retrouver aux premières loges devant les clémentines transgéniques chez Métro Plus. Fou rire avec l'étudiant-charmeur qui les plaçaient en montagne dans le rack et avec qui j'ai échangé quelques blagues. "Criss ça pas de sens des clémentines grosses de même!"

- Oui ça se peut avoir du fun devant un rack de clémentines!!!

J'ai perdu mon temps dans les allées, à snifer les pamplemousses, à voler une datte et la déguster, à choisir mes légumes et à hésiter entre la mâche et le mélange printanier.

J'errais entre terre et mer, un steak dans une main et un filet de saumon dans l'autre quand une petite poulette haute comme trois pommes est venue mettre dans mon panier un citron. Boum Boum dans mon petit coeur!

Le temps d'enjamber une motte de feuilles de radis, je me retrouve bouche-bée - choc émotionnel -devant le prix des Babybel.

Collision de paniers dans la rangée des mouchoirs. Il en faut des kleenex lorsque les larmes tombent à torrent ou que le rhume est déluge.

Perte de contrôle devant les yogourts. J'adore!

Oublier la farine de blé, les oeufs et les graines de lin moulues. Fuck la recette de galettes Labriski.

Alarme devant l'allée des biscuits. Manger ses émotions!

Entendu le gars qui demande à sa blonde, quelle sorte de chips tu veux? Et elle de répondre, je te laisse le champs libre. Peu importe, m'en fou.

Et pis je suis repartie chez moi, la valise du char chargée de petits repas que je concocterai toute la semaine pour les miens. En y mettant mon coeur et parfois à contre-coeur. Fatiguée et parfois écoeurée, mais toujours avec l'intention de faire plaisir.

Les semaines défilent et ne se ressemblent pas. Se poser des questions chaque jour sans trouver les réponses. Dodeliner de la tête.

S'accrocher au printemps. Faire l'ange dans la neige. Rêver. Aimer raconter des histoires à son enfant. Mowgli est mon ami. Faire une grimace à Sherkan. Envier la peau de pêche à Véronique Cloutier. Petit dimanche qui se termine.

Les matins se suivent et se ressemblent. Demain, j'allumerai mon fer plat à la même heure que mardi, mercredi, jeudi, vendredi!

Mon yogourt est bon!