jeudi 28 janvier 2016

Des hyènes dans la tête!


Jade est trentenaire. Elle fait des crises d’angoisse depuis l’adolescence et même, à bien y réfléchir, elle pense qu’elle en faisait aussi toute jeune. Enfant, elle a dû rapidement agir en adulte. Certains événements croisés sur sa route l’ont presque obligée à grandir ainsi. Les nuits d’insomnie existaient déjà. La peur au ventre et le cerveau qui virevoltait déjà tel un cerf-volant coincé dans un vent de 100 km/h.

Les années ont passé…

Jadis, entre deux fourchées de foin, les gens souffraient dans leur tête, leur corps, leur âme, mais ne connaissaient pas nécessairement l’ampleur des maladies mentales comme l’anxiété généralisée, la dépression, les crises de panique, etc.

Des spasmes les envahissaient, sans savoir pourquoi. La fatigue… une journée difficile à labourer les champs, 15 enfants à s’occuper, trop d’arbres à bûcher. On imagine que c’était ça les raisons. On s’accrochait à une soupe chaude le temps de diminuer les symptômes et on retournait angoisser dans le noir ou vivre sa dépression en silence dans la grange.



Jade a des hyènes dans la tête depuis toute petite. Elle est souvent en déroute. Perdue dans la Savane où les hyènes se trouvent. Prise d’anxiété, Jade les entend rire dans sa caboche. De leur rire démoniaque. Les hyènes la dominent, lui gruge toute son énergie.

C’est comme ça qu’elle exprime ses crises d’anxiété : des charognardes.

Dans la tête de Jade, c’est souvent comme un remaniement ministériel qui n’a pas de sens. Ça va de tous les côtés. À force d’être toujours là présente pour les autres, elle s’est souvent oubliée. Elle a mené et mène encore parfois de front et à bout de souffle tous les dossiers chauds de sa vie. Sa vie de couple, de mère, sa vie professionnelle, les problèmes des autres, leurs dépendances, leurs souffrances. Jamais d’accalmie ou presque parce que l’insomnie la gruge aussi à petit feu. Ses endormissements sont atroces.

Jade aime la vie. Elle ne se sent pas déprimée même si elle se lève le matin en serrant les dents, se couche le soir en grinçant des dents. Cet essoufflement perpétuel aux poumons, elle le vit constamment. Ça demande beaucoup de courage se propulser sur ses deux guibolles le matin pour aller travailler. Le souffle court. La fatigue constante.

MAIS…

Jade se connaît de mieux en mieux. S’écoute de plus en plus. Son introspection chemine. Elle se gâte de temps en temps avec une journée de congé juste pour elle. Du temps de qualité avec elle-même. Du repos, de la douceur, du calme, de la relaxation. Du temps où, non pas par égoïsme, mais par survie, elle ne pense qu’à elle.

Et la nature l’accompagne. Les oiseaux lui chantent la bienvenue au parc, la neige qui vient se déposer sur son nez est un instant de bonheur. Ses poumons souffrent moins d’asphyxie. Son cœur se précipite de moins en moins, parce qu’elle assiste davantage au concert du moment présent. Sa dose de moments présents est devenue plus forte et les bienfaits sont magiques. Une panacée à ses angoisses odieuses.

Quand ses orteils touchent le bout de la couette ou encore qu’elle savoure du granola dans un yogourt nature nappé de sirop d’érable, c’est là qu’elle doit être et pas ailleurs. Quand son fils se colle sur son cœur et qu’il lui dit qu’elle est belle, quand elle tourbillonne sur elle-même les patins aux pieds, c’est aussi là qu’elle doit être. Que l’ego aille au Diable!

Jade est déjà morte plusieurs fois, mais a toujours renait de ses cendres. Elle a décidé d’écouter son intérieur même si c’est particulièrement difficile. Avoir de l’empathie, oui, mais ne pas couler avec ceux qui trainent leurs boulets aux pieds.

Les hyènes sont encore là, toujours affamées, à la regarder et lui susurrer à l’oreille qu’elles reviendront tôt ou tard, à un moment où elle s’y attendra le moins. Jade apprend à les faire taire, mais elles sont féroces et tenaces en temps de fatigue.

C’est par la confidence, la confiance, la lecture, le sport, la nature, l’amour, l’amitié, l’acceptation et l’abandon que les hyènes finiront un jour, à se taire à jamais.

 

mardi 12 janvier 2016

Les CONS


Entre Noël et le 1er de l’an je me trouve à l’épicerie, à la caisse pour payer. J’envisage faire un bon potage pour le souper : avocats, ti-pois verts et épinards.

La caissière quinquagénaire est tout sourire, probablement qu’elle pense à sa dinde farcie ou à son cipaille du Jour de l’An. Elle a hâte aux vacances, on la comprend. Elle doit en rencontrer des cons dans une journée.

Bref, deux bonnes femmes qui sentent la cigarette sont devant moi et paient leurs emplettes. La gentille caissière leur lance un « Bonne Année mesdames » en leur rendant leur change… Quand gratuitement, de front, une des cendriers à tête ébouriffée lui répond : Bonne année grand nez!!! En s’esclaffant de rire.

Ok. À cet instant, j’avais envie de prendre dans mes bras la caissière, devenue rouge comme les tomates dans mon panier. Faut-il être assez « con » pour répondre ça à une dame que tu ne connais pas. J’étais peut-être une tueuse à gages dans une autre vie, mais dans ces cas-là j’ai rapidement envie de sortir de mes gonds et de répondre aux deux couillonnes : hey les édentés aux doigts jaunes, ça ne vous tenterait pas de répondre poliment! Suivi, de ce signe qui veut tout dire  (Viggo Mortensen dans Eastern Promises)

Qui n’en a pas ras le pompon d’entendre hurler la fille dans le bus, vous savez celle qui parle à son téléphone comme si elle était seule sur la planète : « Ouais ben tsé le mec y’était là et je lui ai dis fuck you man, pourquoi tu n’es pas allé voir ta pote, ouais ben pourquoi han que je lui ai dit, tu comprends… »

Premièrement, ta boîte, deuxièmement, apprend à parler comme du monde. Respecte les autres!

Disons que j’en ai aussi contre les cracheux du complexe où je travaille. Je ne nommerai pas leur nationalité pour ne pas me faire descendre, mais ça se promène en ne se levant pas le pied pis en crachant partout. C’est dégueulasse de les voir aller. Y’a du cracha au pied carré.

Parlant de ça, il y en a qui s’en permette pas mal dans la file pour prendre l’autobus. Ça crache quasiment sur tes bottes en te fumant une smoke derrière la tuque. Les poumons noirs comme d’la semelle de botte, ça s’étouffe à tout rompre, mais ça ose tout de même te polluer la vie. La tienne. Ces cons empoisonnent l’air des autres dans le cortège. Faut pas se gêner pour leur dire. Mais quand ils sont vraiment cons, ils ont du répondant et ils ripostent avec un gros bagage d’intelligence : va chier câlisse, je fume pis cé toutttte. Bravo le grand! Heureusement, la plupart se met à l’écart des non-fumeurs.

Pis y’a ceux et/ou celles qui te poussent en embarquant ou en sortant du métro. Ils veulent une place à tout prix. Des imbéciles-bulldozers. T’as juste envie de leur faire la jambette du siècle ou « de leur varger dans la gorge » comme dirait un ami.

Les cons sont partout. Assied sur le sofa, les jambes croisées, à demander à leur femme de leur faire à manger et leur amener une beer. C’est aussi la femme qui, dans le métro le soir, te beugle à la tête parce que tu n’as pas fait exprès d’accrocher son sac.

Name it.

Les cons, ça ose tout. Pourquoi, j’sais pas. Ils ont de l’audace pour 10, pas de gêne, ils sont nombrilistes et déplacés. Et ça réussi pourtant à se faire une place en société.  Les cons rient de leurs propres jokes en se flattant la bedaine, ça épie leur voisin pour les emmerder, ça rote en parlant, ça pue l’immodestie.  Les cons, ça vapote des sottises, ça rit plus fort que tout le monde et ça se vante à outrance. Ça se pète les bretelles et ça se fait aller les plumets.

Ce sont eux les figures de proue de l’idiotie.

On en croise tous les jours et on les soupire souvent, malheureusement. Ils sont là, au travail, dans le métro, dans le bus, dans ta famille, dans une soirée, sur la rue… tu ne comprends juste pas comment ces gens-là peuvent s’abreuver d’autant de conneries. Ce n’est pas indigeste la crétinerie? On dit que le ridicule ne tue pas, pour certains ça rend plus fort faut croire. Les cons sont indestructibles, jusqu’à temps que tu leur dises. Parfois, ça les rend juste un peu moins cons.

J’ai connu un roteux de médailles dans le cadre de mes fonctions jadis. Un méchant moineau. Ça ne volait pas haut dans la cagette, mais je n’embarque pas là-dedans.

Quoi qu’il en soit, on n’est presque obligé de les côtoyer tous les jours ces cons et même de les accepter. Ils sont éparpillés un peu partout, comme de la mauvaise herbe. Faut pas trop s’en approcher.

« Il y a de plus en plus de cons chaque année. Eh ben cette année, j’ai l’impression que les cons de l’année prochaine sont déjà là. » - Coluche.