jeudi 29 janvier 2015

Descente en enfer

Depuis plusieurs années déjà, par moments, elle souffre énormément. Si intensément que ses tripes se crispent, que son coeur se déchaîne, que tout son corps s'engourdit. Son esprit frôle la folie. Ce même esprit n'est plus dans le même monde que les gens autour d'elle, il est parti très très très loin, dans les bas fonds les plus sombres. Ses yeux perdent le Nord, ils fixent les murs, car ils ont besoin d'un repaire. En fait, ses yeux fixent son mental, c'est comme ça qu'elle l'explique. Son regard se perd, mais à la fois il s'accroche. Dans ce même regard : l'immense angoisse. Il paraît même quand la regardant, on réussi à voir cette peur fulgurante. 

Cette femme, c'est moi. 

Je cause pour la cause (Bell causait pour la cause aujourd'hui 30 janvier 2019)

J'ai beau vouloir mettre des mots sur ce mal qui me gruge, je n'arrive pas à exprimer toute la douleur ressentie quand je suis atteinte d'une foudroyante crise d'angoisse. Elles sont arrivées dans ma vie lorsque j'étais très jeune, elles feront partie de moi à jamais, même si aujourd'hui je connais les signes avant-coureurs. 

Lui, elle, vous et moi. Je ne suis pas la seule, mais je suis la seule à connaître ce qui m'arrive vraiment et ce mal irréductible qui me dépouille l'intérieur. Le souffle court, l'horrible pensée répétitive que la mort s'en vient en courant. Le cœur qui veut te sortir du ventre, tu veux l'aider à se calmer, mais ton esprit est déjà dans un état coffré et prisonnier. Tes membres sont tellement engourdis que tu as la peur au ventre de mourir. Tu as beau respirer et t'accrocher à une image qui te réconforte, ça ne fonctionne pas si facilement. Parfois même, ça ne marche pas. 

Tellement souffrant que tu perds tous tes moyens. Tu entres dans un jeu infernal, ça tourne, ça va trop vite, c'est extrêmement épuisant. Ça équivaut à des coups de fouet qui te creuse la chair, mais c'est dans ton for intérieur que ça se passe. Ta respiration est tellement saccadée que tu es sûre d'une seule chose, tu vas mourir ou virer fou. Il n'y a pas d'autres cases comme au Monopoly. La mort ou la folie. Dans ta tête, ce sont tes deux plus grandes peurs. Quand ça arrive, ça dure des heures, des jours, parfois des semaines. Les miennes sont terribles, elles me jettent au tapis et me mettent chaos. 

L'angoisse telle que je la connais (crises d'angoisse ou d'anxiété), me paralyse. Mes membres ne fonctionnent plus. Je peux à peine marcher. Mes jambes peuvent trembler pendant des heures. Je deviens prisonnière de mon corps. Mes dents claquent ensemble, je fais peur, je me fais peur. La souffrance qui m'habite est indescriptible et je ne veux pas que personne la rencontre un jour. C'est EFFROYABLE.
Ta tête est partie ailleurs, dans les ténèbres. Rien à voir avec la dépression ou une attitude négative envers la vie. RIEN À VOIR. Ceux qui disent ça, n'y connaisse rien. 

"Arrête de t'en faire pour tout, respire doucement, calme-toi, c'est pas la fin du monde!"

Oui!!!! Oui c'est la fin du monde pour moi. Il n'y a plus de porte de sortie. Tu as tellement peur que même les larmes ont la frousse de sortir. Tu dois rester en vie, alors il faut s'accrocher, respirer, essayer de contrôler (même s'il ne le faut pas finalement), boire de l'eau en tremblant de tout ton être, fermer les yeux - non les ouvrir - non les fermer - non les ouvrir. 

En période normale, je sais que l'angoisse ne tue pas. En pleine crise, tu ne le sais plus. J'ai peur, ça ne va pas, mon cœur crie à l'aide et toute ma tête aussi. Aidez-moi, je ne veux pas mourir ou me faire kidnapper par la folie!!!!! SOS!

Ça passe toujours. Ça peut prendre des heures ou des jours. Ça passe, mais ça revient toujours aussi. Un monstre sous le lit. 

Moi, je n'ai pas mal au genou, mais j'ai mal en-dedans parfois. Ça fait tellement mal que je n'arrive pas à l'expliquer comme il faut. J'ai longtemps eu peur des remarques désobligeantes, des regards tordus, des phrases du genre : "Arrêtes de stresser voyons, tu t'en fais pour rien, moi je ne comprends pas ça les gens qui font des crises d'anxiété, ça doit pas être si pire que ça, faut relativiser dans la vie, etc." 

TA GUEULE!!!!!!!! Tu ne sais pas ce que je vis et ne souhaite pas le savoir non plus. Et chacun vit ses propres crises, elles sont tellement mesquines, qu'elles sont toutes différentes. 

La santé mentale c'est encore un sujet tabou. Ça fait tellement mal pour ceux qui en souffrent et pour ceux qui vivent avec les personnes avec ces troubles anxieux. J'ai décidé de parler aujourd'hui. Je m'en fou de ce que les autres peuvent penser, car moi je m'accroche aux discours réconfortants de ceux qui souffrent aussi comme moi de cette maladie et qui osent en parler. Voyez-vous, dans le temps, j'étais contente que Stefie Shock en parle, même si nos angoisses sont différentes. Je m'accrochais à l'idée qu'un chanteur que j'aime puisse fonctionner normalement même avec une telle souffrance qui va et vient dans nos vies. 

Au jour le jour, je prends tous les moyens possibles pour me sortir de ce sable mouvant. Aujourd'hui, j'y arrive de plus en plus, mais ça fait partie de moi et ça me définit aussi telle que je suis : authentique. Autour de moi, différemment, d'autres souffrent aussi. 

Je cause pour la cause et prends par la main ceux qui tout comme moi vivent avec ce mal incommensurable. 

N'oubliez jamais ça : ça finit toujours par passer...


dimanche 4 janvier 2015

Le grand retour

Ça n'a pas de sens comme ça a passé vite. 1 an et demi que je suis en congé de maternité, je n'ai pas vu le temps filé... ah oui, je l'ai bien vu sur le cadran les nuits sans dormir :)

Et demain, c'est le grand retour au travail. Ne me demandez pas si j'en ai envie...

Entre 4 murs beiges en tissu, un tapis gris humide qui pue et une ambiance de boudin passé date, disons que j'aurais bien choisi de rester emmitouflée avec mon petit chou et découvrir les beautés de la nature. Dessiner. Prendre le thé.

Malheureusement, l'argent ne pousse pas dans les arbres du parc. Vous savez, ce papier imprimé qui mène le monde? Avec ce bel argent, nous pourrons joyeusement nous payer une belle semaine de camping ou 1 semaine dans le Sud, une voiture, un condo trop petit, un sapin artificiel, un téléphone dit intelligent, du scintillant vernis, une pelle à neige (ou un souffleur), de la bouffe pour manger nos émotions et de beaux vêtements pour bien PARAÎTRE au travail, etc.

Ahhhhhh que de sarcasme. J'exagère, un tantinet. Je me sens l'âme aussi noire que du charbon quand je pense au fait que je verrai seulement mon enfant un gros 2-3 heures par jour. Le reste de la journée, il sera chez une dame que je connais à peine et qui s'en occupera plus que moi. Certains se sentent offusqués par mes lignes en lisant ça : voyons c'est la vie Karine. Arrête de te lamenter. Il va se faire des amis à la garderie. Faut ben travailler dans vie pour te jouir de la vie (???????). N'est-ce pas là les putains de mots qu'on nous sort pour nous faire sentir moins coupable de faire des milles pour aller travailler chaque jour qui se lève?

"Ben si t'es pas contente, reste chez-vous la grande!!!!", justement on n'a pas toutes le choix. Déjà, je me félicite et je m'accorde une ovation d'avoir mis des sous de côté pour avoir pris 6 mois en plus avec mon enfant. Le voir rire avec moi devant les bernaches l'été dernier, marcher au parc à travers les feuilles colorées de l'automne, le voir se délecter d'une bonne crème glacée à la crémerie du coin... J'ai passée de si beaux moments avec lui, au gré des saisons. J'ai vu ses premiers pas live.
Ce choix m'a coûté la peau du cul, mais si peu coûteuse finalement comparativement à la richesse que j'en ai retiré au coeur. J'en suis fière et très heureuse, mais je dois désormais retourner travailler pour amasser d'autres beaux dollars qui me permettront de me payer les vacances de l'été prochain avec ma famille. Deux semaines qui passeront vite comme l'éclair, où j'aurai de beaux bidous pour acheter de la crème à glace, mettre du gaz dans le char et me payer 2-3 restos.

Vu de même c'est déprimant en cibole. Pourtant, je suis tout dans la vie sauf une fille déprimée, j'avance avec tout ce que ça implique, mais j'ai un beau grand défaut, je m'interroge trop, je me pose trop de questions. Je décortique et ma tête tourne sans relâche. J'ai beau me demander comment je pourrais faire pour passer plus de temps de qualité en famille avec le si peu de temps qui me reste en revenant du travail éreinté, je ne trouve pas encore le secret. C'est peut-être le même que la Caramilk.

Voler une banque? Devenir tueuse à gages? Vendre de la drogue? Me marier avec un homme riche? Gagner à la loterie?

Il n'y en a pas de solution. J'aurais beau chercher de midi à quatorze heure, je vais devoir accepter candidement que les 2-3 heures par jour que j'aurai avec mon fils, je vais devoir respirer par le nez - malgré la fatigue et toutes les tâches ménagères - pour les passer en qualité à défaut d'avoir la quantité.

Entre deux rondelles de carottes et d'oignons, je vais essayer de danser une petite valse avec Milàn dans la cuisine, ou un rap pourquoi pas. Entre deux brassées, jouer à cache-cache, entre deux bisous avec mon chum, le prendre dans mes bras pour le consoler, entre deux lunchs, lui dire que je l'aime et que je suis là pour lui. On partagera la tâche du bain, pour avoir le temps de schtroumfer dans l'eau et de rire, on se fera un hot-dog sur son BBQ reçu à Noël, on se racontera des histoires et on essaiera le plus possible de rire à gorgée déployée comme nous l'avons fait les derniers mois. On se mangera de petits bout de melon d'eau ensemble et on s'échangera de magnifiques sourires en jouant au lego.

Zen comme une séance de tai chi, je vais m'asseoir dans le bus et métro demain matin. Je vais respirer lentement, doucement jusqu'à ce que mes poumons soient bien remplis de pollution (ben non je blague là). Je vais lire, pour m'évader. Fermer mes yeux pour sourire à Milàn qui sera entrain de jouer avec ses petits amis. J'arriverai au boulot en avalant le moton, en me disant qu'il y a bien pire. Je pourrais être couturière en Chine pour 2 $ par mois. J'accepterai de qui EST. J'ai un travail, j'ai dû bosser fort pour l'avoir et je suis fière de mon parcours, parce que j'ai été MOI.

Je viserai le courage, celui de changer les choses que je peux. Je ferai mon possible, sans plus. Ce que les autres penseront et diront de moi, je m'en câlisserai, parce que je sais ce que je vaux. Mon seul but dans ma petite vie d'automates sera d'être une automate particulière, charmante et naturelle. Je mettrai ma propre couleur à ces murs beiges, je marcherai droit devant sur le tapis gris qui pue. Je sourirai à l'ennemi qui nous rabaisse. Et je rentrerai chez-moi le soir en étant la meilleure femme, mère et amoureuse que je pourrai.

Merci à la vie de m'avoir permis de prendre 6 mois de plus avec mon fils. D'avoir pu profiter de moments indescriptibles avec lui, accompagnée d'une santé parfois chancelante, mais présente. Finalement, il y a du rose dans notre noir charbon, celui d'être avec ceux qu'on aime.