La semaine dernière j’ai pris le métro, ça faisait un bail. Ça m’a
replongé direct dans l’éternel cancan de l’aller-retour au boulot, chaque matin
et soir de mes semaines. Surtout le retour au bercail, le soir, où tu dois
piger dans ton sac à patience d’ange afin d’endurer l’épouvante.
J’habite Montréal. Un métro pourtant bien simple d’utilisation et
pas trop achalandé. Heureusement, je n’habite ni Paris, ni Pékin. Pour moi, le
métro est sans contredit une grande utilité pour me rendre du point A au point
B, mais aussi une corvée. Comment rester là, l’air béant et immobile, sans
analyser tous ces gens qui nous entourent. Les malpropres, les impolis et les
puants. Si peu de gens souriants, courtois, qui sentent la rose. Et où sont ces
artistes et politiciens qui se disent « comme tout le monde ». On ne
les voit jamais dans le métro. Ce serait pourtant agréable de les voir, les
scruter à la loupe, leur parler, leur poser des questions, de constater qu’ils
sont comme nous. Et ben non, jamais on ne les voit. Le métro s’est fait pour le
petit monde faut croire. Des gens comme vous et moi : des intellos, des
bohèmes, des skateux, des semblants de yo avec leurs écouteurs sur la tête, des
fans d’Iron Maiden, des petites bonnes femmes pas de dent, des monsieurs pas de
cou, des femmes voilées Gucci, des fétichistes de pieds en sandales, des poilus
de l’oreille, des cendriers vivants, des drogués du collier, de jolies Cégépiennes manucurées et aussi ceux qui sentent de l’entrejambe ou des aisselles
en pleine canicule. Quand on embarque dans le métro, on fait un méchant saut
dans la vraie vie.
Canicule
Parlons-en de la canicule estivale qui s’installe dans le métro et
les autobus. Dîtes-vous bien que ça sent le Vieux Boulogne à 9 semaines d’affinage.
Parfois même, je me mets de la crème à main sous le nez pour continuer à
respirer. C’est quand tu vois apparaître un mec en camisole jaunie sous les
bras, ornée d’une touffe d’aisselle énorme pendre en haut de ta tête, que tu te
dis que c’est sûrement une des tortures utilisée à Guantanamo. Au
secours !
Quand je réussis à spoter un beau gars
ou une belle fille, je ne le/la lâche plus des yeux. Je pogne le fixe, comme si
je venais de trouver une oasis en plein désert. Enfin un humain qui ne ressemble
pas à Choubaka. Un sourire quelque part qui me pige au sort, je l’attrape au
vol. Je réponds d’un sourire Colgate à mon tour. Délivrance!!!
Et ce manque d’hygiène qui te saute en pleine face
quotidiennement. Les ongles longs, grugés et sales. Le vernis datant de l’été
dernier et écaillé. R-E-M-O-V-E-R bâtard ! Et les doigts jaunis des
fumeurs, qui sentent le « botch ».
Et la mauvaise haleine!!! Faites pleuvoir des chewing gum! Des
puanteurs nauséabondes venues d’ailleurs. Sté quand ça sent l’étable !!??
Faut pas croire que tout le monde souffre de scorbut ou de
problèmes de glandes, il y a des limites à trouver des excuses aux gens qui
manquent d'assainissement. Été comme hiver, niveau buccal, c’est difficile d’y
échapper. Au moins l’hiver, les odeurs corporelles restent enfouies sous les
pelages.
Parlant de pelage, il y a les poilus aussi. Gerbes de poil, bottes
de foin, brosses à poil dru. Un fourrage des temps anciens, directement
descendu de l’âge des cavernes ou des années communistes. Y’aurait-il un moyen
de vous faire comprendre que du poil c’est acceptable, mais jusqu’à un certain
point. Lorsque le poil encastré sous le bras ressemble à une plante grimpante,
c’est que là on ne joue plus dans la cour de la virilité.
Et ces femmes aux jambes poilues, on se demande vraiment d’où
elles sortent celles-là. Est-ce que ce style est revenu à la mode sans que
Loulou magazine nous en est informé? De gros mollets poilus en porc-épic. Rien
de soft, tout dans le piquant. D’autres arborent la fameuse moustache jalonnant
une bouche lippue qui donne ce petit air Stalinien. Une autre page d’histoire.
Et ce désarroi qui transcende les regards. Je le rencontre tous
les jours dans le métro. Il m’observe et m’appelle. Parfois, il me dévisage, me
crie à l’aide, j’ai besoin de toi. Il m’émeut tellement que mes yeux se
mouillent, d’autres fois il me donne des frissons dans le dos. Prendre le
métro, c’est aussi ça : rencontrer les autres en pleine face et ressentir,
lorsque l’on est à tout le moins un brin attentif, la solitude, la peur, la
tristesse, l’amertume, le regret, la joie parfois.
Ces prunelles tristounettes me rappellent souvent à quel point je
suis chanceuse d’être là, en ce moment, à partager un regard avec quelqu’un. Le
fait de lui sourire, gentiment, redonne parfois cette petite lueur perdue en
fin de journée. Quelques-uns sont rêveurs, avenants, bienveillants,
interrogateurs. D’autres sont calculateurs, hypocrites, cochons, espiègles,
malins et méchants. Il faut de tout pour faire un monde.
Et tous ces yeux qui pétillent et s’enjolivent lorsque arrive
enfin dans ce long souterrain une femme avec son poupard qui pouffe un rire
pour un rien. Ce qui est bien dans tout cela, c’est de pouvoir toucher
l’authenticité des êtres, d’effleurer l’espace d’un instant leur bonheur ou
leur désarroi. De feindre les comprendre les apaise. De les comprendre
vraiment, les rassure. Ils se disent certainement que l’on est déjà passé par
là, par cette émotion qu’ils éprouvent. Que c’est parfois nous qui sommes assis
là, dans le métro, avec ce regard qui en dit long…
On prend toujours un métro, chaque matin de la vie qui vient.
Ça sent peut-être les pieds, mais il n’en reste pas moins que
c’est avec du vrai monde que je suis assise et que ça m’ouvre une fenêtre sur
la vie qui va.
Un grand texte, drôle et réfléchi. Dans l'émotion, c'est souvent en regardant les autres qu'on se voit.
RépondreEffacerChère Karine tout à fait d'accord avec toi. Quand verrons nous un politicien dans le métro ou l'autobus??? ils se rendraient compte que l'ai climatisé n'est pas un luxe. Ça rendrait le monde plus heureux et le trajet moins pénible.
RépondreEffacerC'est souvent difficile de capter des regards par contre, sont tous ''scotchés'' à leurs téléphones....;)
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