J'ai les hormones dans le plafond. Je veux dire que depuis que j'ai accouché, il s'est passé quelque chose en moi qui m'a déstabilisée. Je suis plus émotive, plus zen, plus calme, plus douce, plus braillarde. Tout m'émeut. Je peux tomber en pâmoison intense devant un bourgeon. J'étais déjà attentive aux gens et à la nature avant, mais là c'est pire que pire. Toutes les situations du quotidien me bouleversent. Je me sens plus près de tout le monde, j'aimerais aider la terre entière, me transformer en Mère Thérèsa tsé, mais je ne peux pas.
Je n'ai pas perdu mon sale caractère, ça je l'avoue, mais il est moins décapant. Bon, je vieillie aussi et j'ai plus confiance en moi. Je reste tout de même à l'affût du salaud ou de la canaille qui voudrait s'en prendre à mon enfant. Celui-là subira les 50 jours du Talion.
Ok.
Il en est que ce soir, je devais passer à l'épicerie. Un dimanche où tu te rends compte qu'il n'y a plus rien dans le frigo et que tu n'as pas eu le temps d'y aller pendant la fin de semaine. N'empêche que dans une épicerie, c'est vraiment une fenêtre sur la vie quand tu t'attardes aux gens qui passent à tes côtés. Une vraie mer vivante, belle, mais aussi terrifiante, émouvante. Il y en a de tous les genres, la preuve dernièrement je vous ai parlé de deux caves qui m'ont sifflé du Wouhou tout le long de mes courses.
Ce soir, je me trouvais toujours avec un même monsieur dans les allées. Soixantaine, bedonnant, visage qui avait pogné un coup de soleil dans la journée, mains de travailleurs, habillé ordinairement. J'ai analysé du coin de l'oeil son panier d'épicerie. Deux pains, du jus de tomates, du spaghetti, des fruits en jus, et...
Je l'ai bien observé devant le ragoût de boulettes en canne. C'est là que j'ai pogné de quoi. Il hésitait, entre Chef Boyarde, Heinz et Cordon Bleu. Lequel sera le meilleur devait-il se demander?! Moi, en voyant ça, j'ai failli me mettre à pleurer comme une Madeleine à ses côtés. Et là, je me suis dit : Voyons Karine slaque un peu de pleuroter pour un rien. Je ne sais pas, son panier m'a émue. Je me suis mise à imaginer son histoire : divorcé, 1 enfant qui ne vient pas le voir souvent, travail plutôt difficile, pas trop de sous, n'est pas un cuisinier aguerri. Beau monsieur, mais plutôt gêné. Je ne sais pas pourquoi j'ai toujours l'impression que les gens souffrent. Ça doit être parce que moi je souffre, que les gens qui m'entourent souffrent, que tout le monde souffrent finalement de quelque chose.
Ce petit monsieur coffré est peut-être millionnaire qui sait, il est peut-être directeur chez Hydro, il a peut-être huit enfants et est heureux comme pas un. C'est peut-être un con fini aussi. Bref, j'ai senti son petit naufrage interne devant le ragoût de boulettes en canne. Il n'a sûrement pas d'amoureuse s'il fait sa petite épicerie riquiqui comme ça.
Je me suis sentie interpellée. Fecke je lui ai souris dans toutes les allées. Pourquoi pas, ça ne fait pas mal. Ses achats lui ont coûté 42 $. J'étais derrière lui à la caisse, ça a adonné de même. Il avait l'air sympathique ce petit monsieur.
Finalement, je suis revenue chez-moi le coude sorti de ma fenêtre de char. Il faisait beau, et chaud. Les arbres sont en fleurs, c'est magnifique ce temps printanier où tout sent bon, où tout éclore. Ça sentait pas le ragoût de boulettes en canne dehors, ça sentait juste le début d'une soirée douce et relaxe pour moi. Je me suis demandé si mon m'sieur Boyarde passera une belle soirée de son bord. Qu'il ne se sent pas trop seul. On ne connaît rien de la vie des gens, pas même celle de nos meilleurs amis.
as-tu pensé, quand on habite une petite ville/village, ce petit monsieur là, ben on le connait la plupart du temps et son histoire aussi. Et c'est là qu'on décide d'éviter cette personne, de la prendre en pitié, ou simplement de la juger. On ne se donne même pas la peine d'imaginer une souffrance, réelle ou pas, ou une quelconque histoire... Petit clash de réalité entre l'urbain et le rural!
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