mardi 27 mai 2014

Courir après quoi?

Quel beau weekend à Ottawa, accompagnée d'une amie et de mon entraîneur. Il y a quelques mois, je m'étais donné un petit défi, aller y courir un 10 k pour le plaisir. En congé de maternité, je m'étais fixé quelques objectifs pour y arriver. Avec un gros mal de dos jamais résolu depuis l'accouchement et une bonne grosse blessure au nerf sciatique cet hiver, j'ai réussi à courir la distance et j'en suis très fière. À un moment donné, je croyais que c'était peine perdue, que je n'allais plus pouvoir recourir, que mon dos ne se rétablirait pas. Tant pis, j'avance quand même, doucement et on verra ce que ça donnera.

Médaille au cou, je suis revenue à la maison méga contente de mon petit défi. Mes hommes m'attendaient fièrement, comme si je venais de traverser l'Atlantique à la nage.

En route vers Ottawa, mon coach me soulignait que même si l'on dit ne pas être là pour nécessairement performer, il y a quelque chose en nous qui malgré tout nous poussera à le faire. Qu'il faut faire attention en jugeant les autres, car soi-même il y a une partie en nous qui cherche à se prouver l'improuvable. Et c'est vrai. Bizarrement, j'allais à Ottawa sans stress, je voulais faire ma course sans me donner un temps pour le faire, car avec mes blessures je savais que ça n'allait pas être la course de ma vie. Puis, je me suis rendue à l'évidence, en courant, que je cherchais à dépasser les uns, à me dépasser moi, à me prendre pour une marathonienne super-méga musclée qui allait franchir le fil d'arrivée avec les poings levés. Je courais après quoi au juste? J'ai beaucoup pensé à Dominic Arpin lors de ma petite course, lui qui a fait un 42 km quelques mois après la rémission de son cancer. Incroyable. Après quoi courait-il? Il voulait réaliser ce défi absolument, mais pourquoi? Pour se prouver quoi? Il venait déjà de surmonter l'insurmontable.

J'ai aussi pensé à une personne chère, qui elle ne se donne pas de répit. Performance dans tout ce qu'elle accomplit. Il faut que tout soit parfait, toujours. Sinon, elle ne se sent pas bien. À Ottawa, ce n'était pas un petit séjour de plaisance, non. Elle y est allée pour se défoncer, faire un temps record... mais elle ne l'a pas fait ce temps record. Imaginez son désarrois. Courir après quoi? Ne pas avoir réussi à obtenir un meilleur temps l'a rend immensément malheureuse, elle en aura pour des semaines à s'en remettre. Pourquoi? Elle aura terminé sa course avec toujours la même douleur, la même solitude, la même montagne sur les épaules.

Qu'est-ce qui pousse l'humain à se fixer de tels défis?!

Un soleil radieux m'éblouissait pendant la course, je me prenais pour quelqu'un d'autre, je me sentais immensément grande et forte, prête à batailler au front.

Après un 5 km, il y a le 10, le 21.1, le 42 k, mais après on s'arrache le souffle à faire combien? Il y a quoi après avoir fait le meilleur temps? Un autre meilleur temps? On fait ça dans quel but? On garoche quoi dans la course? Nos envies, nos peurs, nos rêves, nos espérances, notre mal-être, notre vie poche, nos aspirations, nos inquiétudes?! Et quand on y arrive pas, qu'on se blesse, qu'on doit marcher, qu'un poing nous tenaille le ventre, qu'un mollet nous claque, on meurt à petits feux?! La démence meurtrière nous pogne, celle d'être trop exigent envers nous-mêmes pour se prouver quelque chose qui n'existe même pas.

Je dois me plonger plus sérieusement sur cette réflexion quant à mon travail et à mon avenir professionnel. Je cours après quoi? On a chacun nos sphères de vie où l'on court après quelque chose. On veut être ébloui par notre propre reflet. L'humain est drôlement fait. On essaie de trouver un équilibre en se donnant maintes défis et en se racontant de belles histoires, mais l'équilibre, le vrai, il est où? En se laissant "Être" seulement peut-être.

Je crois qu'il est bon se donner de petits challenges, pour ne pas se laisser mourir avant le temps. Je connais trop de gens qui se sont assis depuis longtemps en n'y croyant plus. En pensant qu'ils sont nés pour un petit pain. Ils sont jeunes, mais déjà trop vieux. Mais il faut faire attention. Attention à ne pas se laisser dévaster par nos propres croyances et par celles qu'on nous imposent.

Bonne réflexion amis lecteurs.

"Mon mal vient de plus loin" - F. O'Connor

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